«Les gens heureux n’ont pas d’histoire
C’est du moins ce que l’on prétend
Le blé que l’on jette au blutoir
Les bœufs qu’on mène à l’abattoir
Ne peuvent pas en dire autant
Les gens heureux n’ont pas d’histoire
C’est le bonheur des meurtriers
Que les morts jamais ne dérangent
Il y a fort à parier
Qu’on ne les entend pas crier
Ils dorment en riant aux anges
C’est le bonheur des meurtriers
Amour et bonheur d’autre sorte
Il tremble l’hiver et l’été
Toujours la main dans une porte
Le cœur comme une feuille morte
Et les lèvres ensanglantées
Amour est bonheur d’autre sorte
Aimer à perdre la raison
Aimer à n’en savoir que dire
A n’avoir que toi d’horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la couleur du partir
Aimer à perdre la raison
Ah c’est toujours toi que l’on blesse
C’est toujours ton miroir brisé
Mon pauvre bonheur, ma faiblesse
Toi qu’on insulte et qu’on délaisse
Dans toute ta chair martyrisée
Ah c’est toujours toi que l’on blesse
La faim, la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C’est par mon amour que j’y crois
En elle je porte ma croix
Et de leurs nuits ma nuit se fonde
La faim, la fatigue et le froid»
Louis Aragon, "Le Fou d’Elsa" ("Chants du Medjnoûn")
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Enviado por Guilhermina Abreu
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